Le présentéisme

Des coûts énormes

La notion de présentéisme – étroitement reliée à celle d’absentéisme – est relativement nouvelle, mais sa réalité l’est beaucoup moins. Elle décrit essentiellement le phénomène de personnes qui se présentent au travail sans déployer la productivité qu’on est normalement en droit de s’attendre de leur part. Bref, une présence qui, aux yeux des spécialistes, ne vaut guère mieux qu’une absence.

Car le présentéisme coûte très cher. Selon une enquête de Ipsos Healthcare menée au Canada en 2014 en milieu de travail, près de 70 % des personnes interrogées ont évalué qu’un collègue souffrant de dépression sera moins productif, et 60 % estiment que cette personne devrait se prévaloir d’un congé de maladie à long terme.

De plus le tiers des répondants pensent que l’employé coûte cher à l’entreprise en raison de sa productivité réduite, des coûts d’assurance et des coûts de remplacement de personnel de l’employé absent.

« Ce sont des situations qui durent souvent plusieurs mois avant et après un arrêt de travail pour cause de dépression, explique le Dr Mario Messier, médecin du travail et directeur scientifique du Groupe entreprises en santé. Non seulement ces gens ont-ils de la difficulté à accomplir leurs tâches, mais ils perturbent souvent le travail de leurs collègues et il arrive aussi qu’ils perdent des clients ou posent d’autres gestes coûteux pour l’entreprise. »

Plusieurs raisons peuvent expliquer le phénomène : culpabilité, souci de ne pas laisser tomber ses collègues, crainte de perdre son emploi, raisons financières. Mais les faits sont là et les entreprises en sont plus en plus conscientes.

La santé mentale au travail

Des responsabilités partagées

La santé mentale représente aujourd’hui, selon les cas, de 30 % à 50 % des absences au travail et coûte plus cher aux entreprises que l’hypertension artérielle, le diabète, les maladies cardiaques et les maux de dos réunis.

« La maladie mentale est nettement plus répandue aujourd’hui qu’il y a 25 ou 30 ans, assure le Dr Mario Messier, médecin du travail et directeur scientifique du Groupe entreprises en santé. Les milieux de travail génèrent aujourd’hui plus d’incertitude et de causes de stress. Beaucoup plus qu’auparavant, les employés sont souvent à la limite de leurs capacités mentales. »

DES CAUSES MULTIPLES

Au stress de la vie personnelle et familiale s’ajoutent souvent des situations de travail qui nourrissent l’insécurité, l’anxiété et mènent, le cas échéant, à l’épuisement professionnel et à la dépression. Ces situations sont nombreuses, comme le rappelle le Dr Messier.

« Il y a d’abord la quantité et le niveau de difficulté des tâches. À cela s’ajoutent d’autres facteurs de stress comme le manque d’autonomie décisionnelle dans l’exécution de ces tâches, le manque de reconnaissance, les conflits avec des collègues ou des patrons et les mauvaises communications. »

LA RESPONSABILITÉ DE L’ENTREPRISE

De plus en plus, les entreprises comprennent les enjeux de la santé mentale au travail. Des efforts de sensibilisation sont menés auprès des équipes de direction et des gestionnaires afin qu’elles puissent reconnaître dès le départ les premiers signes de détresse psychologique. « À cet égard, une piste prometteuse est celle des pairs aidants, explique Dr. Messier. Il s’agit de personnes de l’entreprise spécialement formées pour être en mesure de dépister assez rapidement les premiers signes avant-coureurs de la dépression. »

Mais encore faut-il aussi que l’entreprise, en tant qu’organisation, ait des pratiques de gestion qui réduisent le stress et favorisent la bonne santé mentale : charge de travail raisonnable, outils et ressources adéquats, reconnaissance, responsabilisation, communications claires, etc.

LA RESPONSABILITÉ DE L’INDIVIDU

En milieu de travail, les responsabilités à l’égard de la santé mentale doivent être partagées, conclut le Dr Messier. « Même s’il existe des facteurs de risque génétiques de la dépression, l’individu peut limiter leur éclosion par une hygiène de vie saine, dont un nombre suffisant d’heures de sommeil, une bonne alimentation, l’activité physique, la socialisation et la pratique de loisirs, qui sont tous des facteurs d’amélioration de la santé psychologique. »

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